L'Homme du Labrador by Bernard Clavel

L'Homme du Labrador by Bernard Clavel

Auteur:Bernard Clavel [Clavel, Bernard]
La langue: fra
Format: epub
Publié: 2014-01-12T18:12:13+00:00


9

Chez Jos, ils n’ont trouvé qu’une petite femme replète dont le corsage à fleurs semblait prêt à craquer. Avec des gestes ronds qui ouvraient et refermaient des fossettes partout, elle leur a expliqué qu’elle venait de reprendre le bar depuis deux mois. Monsieur Jos était mort du foie. Sa femme vivait chez ses enfants, à Beaujeu, mais elle ne connaissait pas l’adresse exacte. Le notaire devait l’avoir. C’était dur, de garder la clientèle. Une femme seule dans ce quartier, les hommes n’aimaient pas ça. Ou alors, ils aimaient trop, et ça la dégoûtait. Son Fernand était mort des suites de guerre.

Un monologue interminable, interrompu dix fois par des clients et toujours repris n’importe où sur le même ton.

Elle avait seulement promis d’appeler le notaire pour connaître l’adresse.

Freddy a bu un blanc cassé, Nelly un café, puis ils sont repartis, un peu déçus, avec cette infime lueur d’espoir accrochée à l’idée du notaire.

— S’il le faut, j’irai à Beaujeu, a déclaré Freddy. Et crois-moi, la mère Jos, j’la retrouverai, même sans adresse.

Ils ont tout de même visité quelques bars du quartier. Vers midi, ils ont mangé un tablier de sapeur et du gratin dauphinois dans un restaurant des halles. Ils y étaient venus à pied, en longeant le bas port du Rhône.

C’était ce que Freddy préférait de Lyon, ces quais au ras de l’eau, à cause de la puissance du fleuve.

— Ça me rappelle certains torrents du Labrador dans leurs parties les plus calmes. Tu verras. T’as qu’à imaginer ça, trois fois plus fougueux avec des glaçons énormes charriés par le courant.

L’après-midi, ils sont allés à la gare de Perrache où Freddy a noté l’heure des trains pour Nantes.

Ensuite, ils ont remonté la rue Victor-Hugo en léchant les vitrines. L’homme du Labrador a voulu que Nelly entre dans un magasin pour essayer des pantalons de velours et une veste matelassée avec un capuchon de fourrure. Elle en a passé plusieurs. Les vendeuses trouvaient toujours que tout allait bien, mais Freddy n’était jamais satisfait de la qualité.

— C’est pour le Grand Nord, vous comprenez. Des moins soixante et plus. Je sais ce qu’il faut exactement : un duvet d’oie sauvage avec un capuchon de loup. Si on trouve pas ici, on l’achètera à Terre-Neuve.

Vers le soir, alors qu’ils longeaient la rive gauche de la Saône, le soleil est enfin parvenu à déchirer le ciel tendu entre les deux collines, au ras des toits et des tours de la basilique. Une trouée guère plus large qu’un puits, d’où un rayon glacial a piqué vers le plomb des eaux mortes.

Ils sont restés un moment à contempler cette lumière. Freddy a murmuré :

— Est-ce que tu crois aux signes que nous adresse le ciel ?

— Oh ! moi, tu sais, les bondieuseries…

— Je te parle pas de ça. Moi non plus, je crois pas à ces choses. Mais le grand mystère. L’avenir inscrit quelque part et qui nous adresse un signe, c’est autre chose. À l’instant précis où cette lueur est apparue, je pensais au détroit d’Honguedo où j’ai navigué avant d’aborder au Labrador.



Télécharger



Déni de responsabilité:
Ce site ne stocke aucun fichier sur son serveur. Nous ne faisons qu'indexer et lier au contenu fourni par d'autres sites. Veuillez contacter les fournisseurs de contenu pour supprimer le contenu des droits d'auteur, le cas échéant, et nous envoyer un courrier électronique. Nous supprimerons immédiatement les liens ou contenus pertinents.